Mélange d’influences carnatiques, maloya et électroniques du 21e siècle, Malbar Experience est un concept créé par Ravi Prasad qui construit des ponts entre les genres musicaux depuis des décennies, en collaboration avec Oskar Vizan, le producteur de l’album.

Il se rend à La Réunion pour rencontrer les musiciens «Malbars» – les descendants des engagés au XIXe siècle pour travailler dans les plantations de l’île. La fusion de ces différents éléments, la musique traditionnelle indienne, le Malbar et l’électronique, rend ce projet unique.

’Malbar Expérience’ ou le métissage musical de Ravi Prasad

«Malbar Expérience» est un nouveau spectacle-défi réalisé par le compositeur, chanteur, instrumentiste et artiste scénique Ravi Prasad, pour qui la création musicale ne peut se cantonner au travail d’un groupe. Il nourrit son inspiration de ses rencontres avec les musiciens de formations, de cultures et de sensibilités aussi diverses qu’enrichissantes.
« Tout le monde est investi, les échanges se font en permanence. Il n’y a pas de chef, et c’est grâce à ça que la création existe », tient-il à préciser, entouré de ses complices musiciens impliqués dans l’aventure. Plus que de la créativité, l’audacieux projet «Malbar Expérience» relève de la performance.
Conciliez en un même spectacle de très anciens chants carnatiques du Sud de l’Inde, les vibrations classiques du violon de Frédéric Morel (également orchestrateur et compositeur), les souffles de l’harmonium de Raju (professeur, compositeur et interprète de musique indienne à La Réunion), les contorsions mélodieuses de l’accordéon d’Aldo Ledoux (médaille d’or 2000 de l’Union nationale des accordéonistes de France, «tapokèr» dans l’âme), le roulement des percussions de Gilbert Mariapin (protagoniste d’une musique réunionnaise évolutive, il «percute» pour plusieurs groupes réunionnais), les tonalités sourdes de la basse de Kiki Mariapin (auteur, compositeur, interprète et formateur de musique improvisée), les tribulations acoustico-électroniques d’Oskar (DJ programmeur, compositeur basé à Londres), le tout gracieusement saupoudré du talent de son orchestrateur, également à la flûte et aux percussions, Ravi Prasad, et vous obtiendrez «Malbar Expérience”.

Retour à la source

Séduit par l’interprétation de Ravi Prasad au festival 2001des 38émes Rugissants de Grenoble, son directeur Benoît Thiebergien invite l’artiste à proposer « un projet qui lui tiendrait à coeur ». C’est de ce coeur-banian, dont les artères rejoignent implacablement sa terre d’origine, que germe aussitôt l’idée d’un travail autour du thème des «malbars». Originaire du Nord de la petite région de Kerala, au Sud de l’Inde, la «malbarésité» est inhérente à son quotidien, s’affichant à chaque coin de rue.
« Chez moi, tous les cinq cents mètres, le mot malbar apparaît en grosses lettres sur chaque devanture de magasin. On a le «Malbar-Café», le «Malbar- Hôtel», la «Malbar-Vidéothèque»… » Les nombreuses rencontres qu’il a pu faire ces cinq dernières années avec des «Malbars-réunionnais» établis en métropole ont également étoffé son inspiration.
« Ils sont parfois plus indiens que moi », remarque-t-il, « c’est ce qui m’a donné envie d’emprunter ce chemin ». Chemin – si ce n’est passerelle – de l’exilé indien qui peut ainsi cultiver, sur les parcelles de sa terre d’adoption, les offrandes de la mémoire de ses ancêtres : la «Ravi Prasad Expérience».
Formé à la musique traditionnelle de l’Inde du sud, Ravi Prasad s’est fixé comme « conduite artistique » d’aller à la rencontre d’autres inspirations musicales qui, conciliées aux influences de ses propres racines, lui permettent de se forger une identité musicale.
À l’orée du projet, La Réunion, telle une évidence, apparaît comme «la» terre d’accueil, le lieu de gestation idéal pour mener à bien un tel défi. En décembre 2002, Alain Courbis, directeur du Pôle régional des musiques actuelles de La Réunion (PRMA), prend connaissance du projet. Ni une, pas même deux, avec l’enthousiasme et la ferveur qui caractérisent ce «Ché Guevara de la musique locale», le directeur du PRMA propose derechef d’ouvrir les portes de sa résidence-création pour accueillir le travail de Ravi
Prasad.
« Tout s’est enchaîné naturellement », précise Alain Courbis, car même si les moyens à mettre en oeuvre pour la réalisation d’un tel projet restent colossaux, les aspirations étaient communes, « tout coulait de source ». Il est assuré que le public réservera un bon accueil au spectacle, « je suis confiant » précise-t-il, affichant un large sourire, laissant ressentir quelque peu d’impatience à lever le mystère qui plane sur la «Malbar Expérience» de Ravi Prasad.

Développer et exporter la musique réunionnaise

L’objectif des résidences-créations, mises en place depuis six ans par le PRMA, est de permettre le développement des musiques locales, entre autres par le biais de l’exportation. De nombreux efforts, moyens logistiques et financiers, sont nécessaires pour y parvenir.
Le PRMA a pu compter sur les soutiens indispensables de l’Office départementale de la culture (ODC), du Festival Art Méthis, sous l’impulsion du théâtre Talipot, du Département de La Réunion, de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), et de la ville de Saint-Denis, pour parvenir à concrétiser le projet «Malbar Expérience».
Alain Courbis souligne également l’investissement de la maison de production de Ravi Prasad, Archipel Production, qui a fourni le plus gros travail de recherche de financements ; et « pour couronner le tout, nous aurons une trace à garder grâce à Image Production et au travail de Thierry Hoarau qui prépare un travail de vingt-six minutes sur la résidence ». La contribution du milieu musical local de plus en plus performant, ouvrant son important vivier vers l’extérieur, demeure la clé de sol de la réussite d’un tel projet. « La musique réunionnaise est en plein boum », note Alain Courbis, « depuis cinq ans, la production a été multipliée par quatre ».

« Des rencontres de cultures différentes »

Ce constat est d’autant plus encourageant pour le PRMA qu’il ne peut l’ignorer et tente grâce au biais de ses résidences-créations de favoriser l’expression musicale dans notre île, alors que la diffusion et la production de spectacles restent à la charge de partenaires dévoués à la même cause. « La résidence-création, une par an, est destinée aux artistes accompagnés d’un projet pour permettre des rencontres de cultures et de sensibilités musicales différentes », tient à ajouter le directeur du PRMA qui trouve que le terme de
résidence est aujourd’hui un peu « galvaudé ».
Mais nul besoin de se justifier lorsque l’on voit la réussite des projets précédents. La rencontre entre le guitariste américain Bob Brosman et René Lacaille a abouti à une tournée qui perdure depuis trois ans ; pas plus tard que la semaine dernière, ils étaient en Hollande. La fusion jazz-maloya d’Olivier Kerourio et de Danyèl Waro a donné naissance à un excellent album distribué dans de nombreux pays à travers le monde.

Reconnaissance

L’on souhaite le même succès à la «Malbar Expérience» qui d’ores et déjà participera à la prochaine édition du festival Les 38ème Rugissants de Grenoble, au festival Africolor en France et retournera à son point de source, avec une tournée en Inde prévue pour décembre 2004. « On s’est vraiment donné les moyens pour que ce projet vive, qu’il soit de qualité et qu’il connaisse le plus de longévité possible, et pour le bonheur de tout le monde », rajoute Alain Courbis, « un album est prévu pour l’année prochaine ».
Pour conclure, Kiki Mariapin tient à remercier le PRMA pour cette reconnaissance qu’il apporte aux musiciens réunionnais, qui ont besoin
d’échanges et de rencontres musicales comme ceux de la «Malbar Expérience». « Ces expériences variées nous permettent de sortir de la
routine de la musique locale et c’est dans ce contexte de création spécial qui mobilise beaucoup d’énergie, que prend place la complémentarité avec des musiciens d’univers différents. Encore merci », précise-t-il en s’adressant à Alain Courbis.

« Le premier artiste, c’est le public »

Ravi Prasad en a fait son mantra – phrase sacrée – qu’il répète très souvent, signe de modestie et de son envie d’aller vers le public, et que le public vienne également à leur rencontre.